Historiquement, les grands acteurs de la réalité virtuelle (VR) sont les militaires, l’industrie aérienne, les agences spatiales et les fabricants de jeux vidéo. C’est le secteur du jeu vidéo qui a développé la réalité virtuelle pour le Grand Public et rend aujourd’hui accessible son utilisation pour des objectifs thérapeutiques [1].
Il se trouve que la rééducation et la performance du sportif trouvent dans la VR des applications de plus en plus pertinentes.
En effet, l’un des points caractéristiques dans la réhabilitation du sportif est l’installation de la Kinésiophobie à la suite d’une blessure. La VR s’avère être une arme redoutable pour contrer ce phénomène.
Dans une étude réalisée à Seattle, il a été démontré que l’utilisation de la réalité virtuelle diminue le temps passé à penser à la douleur de 44%, réduit l’aspect émotionnel de la douleur de 45%, et l’aspect sensoriel de celle-ci de 30% (Figure 1). Lorsque la douleur diminue en intensité, elle devient moins pénible, et par conséquent les patients ont tendance à moins adopter des stratégies d’évitement [2].
La dimension immersive de la VR aiderait donc à lutter contre la Kinésiophobie. Cela permet pendant les étapes précoces de la réhabilitation, d’amener le sportif à réaliser des mouvements de très faible amplitude et, tout en déviant son attention de la douleur, à atteindre plus rapidement des amplitudes normales de mouvement.
Une revue de dix-huit études sur la VR publiée en 2018 a d’autre part mis en évidence que l’augmentation de l’immersion en VR permet d’améliorer les performances de navigation, de précision et d’instabilité posturale [3].
Toujours au niveau de la performance, une étude de 2019 réalisée sur des karatékas a démontré qu’intégrer un nouvel outil, à savoir la réalité virtuelle, dans la pratique quotidienne du sportif a été utile pour améliorer la reconnaissance du type d’attaque de l’opposant, les athlètes pouvaient ainsi anticiper et améliorer leur temps de réponse et la prise de décision. Là où d’autres études ne faisaient qu’assumer une augmentation de la motivation, Petri et al. (2019) ont prouvé statistiquement cet accroissement motivationnel. L’engouement est venu du fait que les combattants pouvaient essayer de nouveaux mouvements et réactions dans un environnement sécurisant [4].
En ce qui concerne les étapes avancées de la réhabilitation, Gokeler et al. (2016) expliquent que les patients qui avaient le feu vert pour une reprise du sport à la suite d’une reconstruction du LCA présentaient une altération de leurs patrons de mouvement au niveau du genou opéré, se traduisant par un risque de rechute ou de lésion sur le membre controlatéral. Une rééducation avec la VR a amélioré ces patrons, se rapprochant de ceux des sujets sains. La réalité virtuelle immersive peut améliorer l’évaluation des critères du retour au sport et la rééducation de l’apprentissage moteur pour diminuer les risques de rechute chez les patients post reconstruction du LCA [5]
En tant que kinésithérapeutes nous sommes bien placés pour savoir que la composante psychologique des sportifs est également extrêmement importante. En VR il est possible de recréer un environnement proche de la compétition, très utile pour la gestion du stress. La perception visuelle, l’anticipation, le temps de réaction, la prise de décision sont aussi des facteurs très importants qu’il est possible de simuler en VR. Une étude de 2019 sur la prise de décision des basketteurs met en évidence des gains transférables et généralisés grâce à l’utilisation de la VR [6].
Imaginons une manœuvre d’esquive d’un objet volant dans la réalité virtuelle, cela implique une lecture de trajectoire, une coordination entre la vision et le déplacement du corps, un travail proprioceptif et vestibulaire pour garder l’équilibre entre autres. Maintenant, transférons ceci à une situation dans le sport, une action défensive en boxe ou une esquive en escrime par exemple.
Bien entendu la VR ne remplacera pas les conditions réelles d’une pratique sportive, cependant son potentiel, bien qu’encore peu exploré, reste plus qu’encourageant. Il s’agit d’un outil en plein essor, permettant de réaliser une réhabilitation précoce en luttant contre la Kinésiophobie et d’aller jusqu’aux phases avancées de la préparation du sportif. Il est possible de travailler divers aspects tels que l’amplitude articulaire, la précision, le transfert d’appuis, l’équilibre, la coordination, le temps de réaction, la prise de décision, et même la gestion du stress. Il s’agit d’un dispositif immersif efficace, ludique, avec un suivi de score pour motiver nos athlètes, il permet de simuler des situations proches d’une activité sportive tout en restant dans un environnement contrôlé, sécurisant où les paramètres peuvent être modifiés en temps réel.
[1] Katz, L., Parker,J., Tyreman, H., Kopp, G., Levy, R., & Chang, E. (2006). Virtual reality insport and wellness: Promise and reality. International Journal of ComputerScience in Sport, 4(1), 4-16.
[2] Hoffman, Hunter G.; Richards, Todd L.; Coda, Barbara; Bills, Aric R.;Blough, David; Richards, Anne L.; Sharar, Sam R. (2004). Modulation ofthermal pain-related brain activity with virtual reality: evidence from fMRI.NeuroReport, 15(8), 1245–1248.
[3] Rose, T., Nam, C. S., & Chen, K. B. (2018). Immersion of virtualreality for rehabilitation-Review. Applied ergonomics, 69, 153-161.
[4]Petri, K., Masik, S., Danneberg, M., Emmermacher, P. & Witte, K.Possibilities to use a virtual opponent for enhancements of reactions andperception of young karate athletes. Int. J. Comput. Sci. Sport 18, 20–33(2019)
[5] Gokeler, Alli; Bisschop, Marsha; Myer, Gregory D.; Benjaminse, Anne;Dijkstra, Pieter U.; van Keeken, Helco G.; van Raay, Jos J. A. M.; Burgerhof,Johannes G. M.; Otten, Egbert (2016). Immersive virtual reality improvesmovement patterns in patients after ACL reconstruction: implications forenhanced criteria-based return-to-sport rehabilitation. Knee Surgery, SportsTraumatology, Arthroscopy, 24(7), 2280–2286. doi:10.1007/s00167-014-3374-x
[6] Pagé C, Bernier PM, Trempe M. Using video simulations and virtual realityto improve decision-making skills in basketball. J Sports Sci. 2019Nov;37(21):2403-2410. doi: 10.1080/02640414.2019.1638193. Epub 2019 Jul 6.PMID: 31280685.
Figure 1 Issue de: Hoffman, Hunter G.; Richards, Todd L.; Coda, Barbara; Bills,Aric R.; Blough, David; Richards, Anne L.; Sharar, Sam R.(2004). Modulation of thermal pain-related brain activity with virtualreality: evidence from fMRI. NeuroReport, 15(8), 1245–1248.